Supervision, histoires en mouvement – ep 3

Quel est le rôle de la psychanalyse dans l'émergence de la supervision ? Comment le travail social a-t-il contribué au développement de la supervision ? En quoi le coaching a-t-il renouvelé la pratique de la supervision ? Quelles sont les spécificités de la supervision des coachs ? Quels sont les défis et les perspectives d'avenir pour la supervision ? C'est à toutes ces questions que répond notre ex-présidente Martine Volle dans une série de articles à ne pas manquer ! Ces articles sont des transcriptions d'enregistrements audio effectués par Martine à notre demande. Nous avons conservé la forme naturelle du langage parlé…

Épisode 3 : la supervision en perpétuelle évolution

Dans cet épisode, Martine Volle explore l’émergence du coaching en tant qu’activité professionnelle et son interaction avec la supervision. Elle met en avant la diversité des parcours des coachs, souvent multi-activités, et la nécessité de développer des pratiques spécifiques pour accompagner ces professionnels. Elle raconte également la structuration progressive de la supervision, avec la création d’écoles, d’associations comme PSF, et l’élaboration de référentiels de compétences. Enfin, elle souligne l’importance des collaborations internationales, notamment avec l’ANSE et l’ICF, pour enrichir et formaliser les pratiques de supervision.

De l'émergence

Qu’est-ce qui se passe finalement quand un métier ou une nouvelle activité émerge ? 

Tout un travail a été fait par les associations pour que le coaching soit reconnu comme un métier. On constate en fait que les coachs sont souvent multi activités. 

J’ai tendance à mettre le coaching plus au niveau de l’activité professionnelle que de l’identité professionnelle. Beaucoup de coachs ont d’autres activités. Ils ont des activités de formateur, ils ont des activités de recruteur ou de conseil. Et bien sûr, là on voit apparaître des activités de superviseur qui complètent des activités de coach chez les professionnels. 

Mon parcours personnel

C’est d’ailleurs mon cas où, dès les années 2003, je démarre un peu de supervision de coachs. Pour autant, mon évolution se situe en 2012 où je me suis retrouvée à coacher des coachs internes. Les coachs internes ont les mêmes formations que les coachs externes , ont des clients avec qui ils vont mettre des contrats avec des tripartites, donc les mêmes processus de travail. 

Simplement, eux, ils travaillent en interne. Et en interne, ils sont rarement à 100% coachs, 80 à 90 % de leur temps, ils sont dans leurs autres missions et ils vivent les injonctions du système. Ils vivent les changements ou les restructurations des systèmes. 

Et ça, ça va être intéressant entre les coachs internes d’avoir ce double regard, à la fois regarder les gestes du coach, mais aussi amener les personnes à se décoller de la situation qu’ils vivent en tant que agent ou avec leur autre fonction. 

Et c’est là où je me suis souvenue de tout mon passé de travailleurs sociaux, puisque je suis devenue coach dans les années 95. Mais mon passé de travailleurs sociaux, à ce moment-là, était fort utile lorsque je me suis mise à travailler avec des personnes, des coachs, qui étaient dans des grandes organisations, de manière à les aider aussi à prendre du recul par rapport à ce qu’ils vivaient, pas simplement en tant que coach. Ce sont des personnes complètes. 

Structuration

C’est le moment où finalement il va être nécessaire de réfléchir sur cette nouvelle activité qui est la supervision de coach. C’est là où il y a de la nouveauté parce qu’on a bien vu que la supervision, elle, elle existe depuis le début du siècle dernier. Donc je je dis souvent que c’est une grande dame qui a plus de 120 ans alors que le coaching il est tout frais dans les années 2000 et 2010. 

C’est ainsi qu’il sera nécessaire aussi de commencer à réfléchir. Qu’est-ce que nous sommes en train de faire, nous les superviseurs qui ont démarré de manière informelle parce qu’il y avait des besoins, des demandes, nous avions cette séniorité. À quel moment allons-nous réfléchir sur notre geste ? 

Je pense à au premier livre qui est sorti sur la supervision, celui de Daniel Darmoni et René David Hadjadj qui créent un livre où ils commencent à raconter des choses sur la supervision. Ils expliquent que c’est sûrement intéressant qu’il y ait des associations qui s’occupent de la supervision, qu’il y ait des formations et je partage effectivement cette idée que il va falloir aussi créer des espaces. La première formation de supervision arrivera un petit peu plus tard dans les années 2012 avec Florence Lamy et puis Michel Moral. 

PSF

Et puis un premier groupe d’élèves qui sortent de cette formation décident de créer une association de superviseurs en France qui s’appelle PSF et qui a cet intérêt de dire “mais comment on va formaliser, quel code déontologique on pourrait avoir, quel serait le référentiel de compétences ?”. Donc enfin, on se retrouve avec une association complètement dédiée à la supervision. Alors on est encore avec de la supervision de coach, puisque la majorité des élèves formés sont des coachs à l’origine. Les choses progressent. 

Et puis arrivent les années 2015 où je crée aussi une école de superviseurs. Toujours avec cette idée que nous avons besoin d’un espace pour réfléchir à ce qu’est la supervision. 

Supervision étendue à d’autres activités

Deux points. 

Simplement ma pratique venant d’un peu plus loin que la supervision des coachs de par ce passé que je viens d’expliquer, me vient l’idée que ce sera la supervision de coach et autres professionnels. Parce qu’on a d’autres métiers qui ont peut-être moins l’habitude d’utiliser la supervision. Mais quand on est médiateur, quand on est facilitateur et qu’on forme les médiateurs, qu’on forme des facilitateurs, comment fait-on pour les accompagner ensuite ? 

Et la supervision est une fabuleuse façon de faire de la formation continue. 

Pourquoi ? Parce que bien sûr qu’on regarde les situations vécues avec les clients, et on regarde aussi le geste professionnel, donc on n’est plus dans l’analyse de contrôle telle que ça a pu être fait dans les années 20. Pour autant, c’est un lieu où on peut parler de notre geste, l’ajuster, prendre conscience de en quoi il est intéressant. Que l’on soit médiateur, formateur, coach, nous allons pouvoir continuer à avoir cette réflexion sur le geste…

L’ANSE

Á quel moment décidons-nous d’élargir notre regard de superviseur de coach ? 

Je trouvais intéressant le travail de l’ANSE. Je me suis retrouvée dans les années 2014 à un congrès organisé par l’ANSE qui est cette association européenne qui chapeaute les associations de superviseurs dans différents pays. Il y avait 8 pays au moins, il y en a plus de vingt aujourd’hui. Donc il y a la Hongrie, la Suède, il y a les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Estonie, la Lettonie, etc. Il n’y a pas la France et je me dis mais ce serait intéressant qu’il y ait la France pour qu’elle s’inspire de cette énergie au sein de l’ANSE. Et en même temps, que la France puisse apporter sa voix. 

Et le Conseil d’administration PSF de l’époque 2015 est tout à fait dans cette lignée de se dire : comment on peut élargir notre regard de la supervision en ayant plus de contact avec l’ANSE. Je rejoins PSF à ce moment-là pour cette raison.

Bien sûr qu’il y a des pays anglo-saxons qui ont développé des nouvelles pratiques, je pense au 7-eyed model de Peter Hawkins et de Robin Shohet qui réfléchissent à la supervision. Mais il y a aussi toutes ces racines avec toutes ces associations de superviseurs qui nous racontent l’histoire de la supervision qui est aussi notre histoire, et là, vraiment un public très diversifié qui ont d’autres pratiques de la supervision. En discutant avec l’une des personnes d’ailleurs, j’avais été intéressée, il me disait, “mais quand on a vu arriver le le coaching dans les années 90, on s’est dit, mais qu’est ce que c’est ? Finalement c’est ce que nous faisons. Sauf que là au lieu de le faire dans les milieux socio-éducatifs ou médico social, là c’est fait dans les entreprises”. 

Ça montre comment à chaque fois il y a de la porosité et qu’on s’inspire les uns des autres pour faire évoluer nos pratiques, que ce soit celles de coaching ou de la supervision d’ailleurs. 

Une histoire sans fin ?

Cette histoire, elle va continuer de toute façon, l’EMCC a vraiment pris à bras le corps aussi le sujet de la supervision. Au départ, c’était une association de coach uniquement, puis de mentors, puis de superviseurs donc, avec des ateliers organisés régulièrement pour faire vivre la réflexion sur le sujet. 

Et PSF continue l’aventure à s’ouvrir le plus possible à d’autres formes de supervision justement pour enrichir notre façon de penser. 

Et puis là, scoop, ICF global qui a toujours été favorable mais n’avait pas formalisé un référentiel de compétences vient de sortir son référentiel qui d’ailleurs a été construit par des années de présence dans différents lieux. Je me souviens avoir rencontré la directrice d’ICF Global en 2014 justement à Vienne, à une réunion de l’ANSE. l’ICF a  largement participé à des tas de réunions et nous sommes nombreux à avoir donné nos référentiels de compétences de superviseurs pour que ICF fabrique aussi quelque chose qui pourrait fonctionner sur le plan international. Car il faut bien que ce soit cohérent dans chaque pays du monde, qu’il puisse y avoir des référentiels communs, l’EMCC est dans cette même logique. 

Une autre association que je n’ai pas citée, qui va aussi être importante pour la recommandation de la supervision chez les coachs, ça va être la SFCoach qui s’est créée dans les années 95 et qui a tout de suite recommandé la supervision pour les coachs. 

Il y a de la porosité entre tous ces différents courants et nous avons encore beaucoup de choses probablement à apprendre en tant que superviseur sur notre art. 

Merci pour votre attention. 

N’hésitez pas à me contacter, à m’écrire ou à commenter si vous avez quelque chose à partager ou des précisions que vous souhaitez recevoir. Ce sera avec plaisir. 

À bientôt. 

Martine Volle
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